La renonciation irrévocable à la convention d’arbitrage au profit de la saisine des tribunaux étatiques : un cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage confirmé par la Cour de cassation

Cass. Civ. 1ère, 20 avril 2017, n°16-11.413

 

Le principe compétence-compétence (consacré par l’article 1448 du Code de procédure civile), selon lequel l’arbitre a seul compétence pour statuer sur sa propre compétence, est à nouveau battu en brèche par la Cour de cassation. En effet, dès lors que la renonciation à la clause compromissoire par les parties est irrévocable, cette volonté rend la clause manifestement inapplicable.

En l’espèce, la société Distri Dorengts a conclu avec la société Carrefour proximité France (CPF) deux contrats de franchise et de location-gérance, et un contrat d’approvisionnement avec la société CSF. Les sociétés CPF et CSF assignent la société Distri Dorengts en paiement de factures devant le tribunal de commerce de Saint Quentin, nonobstant la présence des clauses compromissoires dans les contrats de franchise et d’approvisionnement. La défenderesse n’avait pas soulevé de contestation sur la compétence dans cette instance. Par ailleurs, cette dernière a attrait par la suite la société CPF, devant la même juridiction, en nullité du contrat de location-gérance (dépourvu de clause compromissoire) et en paiement. La société CPF, se référant à l’ensemble des trois contrats, a soulevé une exception d’incompétence du tribunal étatique au profit d’un tribunal arbitral en raison de la clause compromissoire insérée dans le contrat de franchise. Les deux instances ont été jointes.

Tandis que le tribunal de commerce s’était reconnu incompétent, la cour d’appel d’Amiens a infirmé ce jugement. La Cour de cassation accueille et confirme la décision d’appel, au motif que la renonciation des parties à la clause compromissoire, en raison de la saisine d’une juridiction étatique par l’ensemble des parties, rend cette clause manifestement inapplicable.

Cet arrêt illustre un nouveau cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage. Ainsi, la renonciation non équivoque à la convention d’arbitrage par les parties rend la convention manifestement inapplicable. Toutefois, la doctrine analyse cette décision de manière unanime, comme une simple application d’un principe classique du droit des contrats, selon lequel les parties peuvent défaire un contrat par consentement mutuel (conformément aux dispositions de l’article 1193 du Code civil, anciennement 1134 al 2).