Comment garantir l’opposabilité d’un rapport d’expertise à l’égard d’un tiers appelé en garantie ?

Dans un arrêt du 7 septembre 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle quelles sont les conditions de l’opposabilité du rapport d’expertise à un tiers, appelé en garantie, qui n’a pas participé à l’instance au cours de laquelle ce rapport a été produit.

En l’espèce, un individu avait acheté un véhicule auprès d’un concessionnaire. A la suite d’une panne, l’acquéreur décide d’assigner le concessionnaire devant le juge des référés afin que soit ordonnée une expertise judiciaire. Après que l’expert ait déposé son rapport, l’acquéreur a assigné le concessionnaire afin d’obtenir la résolution de la vente et l’indemnisation de son préjudice. Le concessionnaire décide quant à lui d’appeler la société constructrice en garantie des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Ainsi, la question à laquelle la Cour de cassation devait répondre était de savoir si le rapport d’expertise était ou non opposable à la société constructrice appelée en garantie, tiers aux opérations d’expertise. D’un côté, le principe du contradictoire suppose que le plaideur ait pu participer aux opérations d’expertise et non pas seulement discuter le rapport à l’audience. D’un autre côté, une bonne gestion judiciaire invite à éviter les expertises multiples à propos d’une situation de fait qui demeure identique. En effet, ce sont les mêmes éléments de faits qui justifient la demande initiale et l’appel en garantie d’un tiers par le défendeur.

Sur cette question, la Cour d’appel a adopté une conception stricte du principe du contradictoire en déclarant le rapport inopposable à la société constructrice, faute pour le concessionnaire de l’avoir mise en cause plus tôt.

La Cour de cassation, au visa de l’article 16 du Code de Procédure Civile, casse et annule cette décision pour défaut de base légale et indique que le rapport d’expertise peut être opposable au tiers appelé en garantie mais à deux conditions cumulatives :

 

  1. D’une part, il faut que le rapport d’expertise ait été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Ainsi, peu importe que la partie concernée soit présente au cours des opérations d’expertise ou qu’elle ait la qualité de partie à l’instance au cours de laquelle le rapport est produit. En revanche, afin que le principe du contradictoire soit respecté, la partie concernée doit absolument avoir eu la possibilité de discuter du rapport produit. Cette solution n’est pas nouvelle (Civ. 2e, 8 juin 2017, n°16-19.832).

 

  1. D’autre part, ce rapport d’expertise doit être corroboré par d’autres éléments de preuve. En d’autres termes, aucune condamnation ne peut être prononcée contre un appelé en garantie sur la base du seul rapport d’expertise produit au cours d’une instance dont il n’était pas partie. Encore une fois, cette solution n’est pas nouvelle (Civ.3e, 27 mai 2010, n°09-12.693).

Ainsi, d’un point de vue pratique, il reste conseillé à la partie qui souhaite se prévaloir du rapport d’expertise d’attraire le tiers dès l’instance au cours de laquelle il est produit. Toutefois, si cela n’a pu être fait, le praticien, pour s’assurer de l’opposabilité du rapport d’expertise, devra se poser deux questions précises : le tiers à qui l’on souhaite opposer le rapport a-t-il eu la possibilité de le discuter ? Le cas échéant, est-il corroboré par d’autres éléments de preuve ?

 

A travers cette solution, claire et intelligible, la Cour de cassation garantie un équilibre entre le respect du contradictoire et l’assurance d’une justice rapide. JM