Retour sur le séminaire organisé par Eurocontrol : les travaux à entreprendre pour intégrer les drones dans l’espace aérien, notamment autour des aéroports 

Le Cabinet SELENE Avocats a eu l’immense plaisir d’assister au séminaire d’une très grande qualité “High-level Workshop on Drone Incursion and Detection at and around Airports” organisé par Eurocontrol.

D’ici quelques années, on comptera près de sept millions d’utilisateurs de drones de loisir et quatre cent mille utilisateurs de drones professionnels. Face à un tel essor, les acteurs de l’espace aérien se doivent d’œuvrer ensemble de manière à en assurer la sécurité. En effet, la multiplication des drones est le facteur de plusieurs incidents et accidents dont l’un des plus marquants est le survol de l’aéroport Gatwick à Londres, qui a paralysé ce dernier durant deux jours et a généré des frais avoisinant les dix millions de livres.

Cela implique donc un besoin au niveau européen de développer les solutions pour gérer ce genre de situations et sécuriser l’espace aérien. Le séminaire avait justement pour objectif de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Des différentes interventions sont ressortis trois jâlons qui apparaissent essentiels pour parvenir à un tel résultat.

 

La première mesure primordiale réside dans l’information des usagers de drones. En effet, il a été constaté qu’il existe deux sortes de survols interdits. La première est le survol interdit intentionnel, exécuté par un télépilote qui a pour dessein soit de s’introduire dans un endroit précis ou de causer des dommages, soit de détourner ou pirater un engin en vol. La seconde est le survol interdit non intentionnel qui peut avoir pour cause une erreur humaine, de mauvaises conditions de télépilotage, ou encore des problèmes techniques. Afin de remédier à une grande partie des survols interdits non intentionnels, il apparaît primordial d’informer clairement et simplement le grand public de ses droits et interdictions de manière harmonisée au niveau européen. Cela devrait également passer par une signalisation ostensible, harmonisée et intelligible. En France, la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a publié, les « règles d’usage d’un drone de loisir ». Elles rappellent de manière claire les « dix commandements » devant être respectés par tout télépilote non professionnel :

 

  1. Je ne survole pas les personnes.
  2. Je respecte les hauteurs maximales de vol.
  3. Je ne perds jamais mon drone de vue et je ne l’utilise pas la nuit.
  4. Je n’utilise pas mon drone au-dessus de l’espace public en agglomération.
  5. Je n’utilise pas mon drone à proximité des aérodromes.
  6. Je ne survole pas de sites sensibles ou protégés.
  7. Je respecte la vie privée des autres.
  8. Je ne diffuse pas mes prises de vues sans l’accord des personnes concernées et je n’en fais pas une utilisation commerciale.
  9. Je vérifie dans quelles conditions je suis assuré pour la pratique de cette activité.
  10. En cas de doute, je me renseigne.

 

De plus, l’article L. 6111-1 du Code des transports instaure une obligation d’enregistrement et d’immatriculation. L’obligation d’enregistrement s’applique à tout drone de plus de 800 grammes. Il sera nécessairement complété par une formation obligatoire pour toute personne souhaitant en faire l’usage. L’ensemble de ces démarches peuvent être réalisées depuis la plateforme en ligne, Alpha Tango, mise en place par la DGAC. L’obligation d’immatriculation s’applique à tout drone dont la masse est supérieur à 25 kilogrammes. Cette mesure, permettant de filtrer et surveiller certains télépilotes, instaure une double peine, puisque les opérateurs, non seulement dépendants d’un ensemble de procédures contraignantes sont également soumis à une forte surveillance de la part des autorités françaises.

L’harmonisation au niveau européen est la seconde mesure qui s’impose pour assurer la sécurité de l’espace aérien. Il faut pour cela adopter une règlementation commune à tous les Etats, élaborée de concert avec tous les acteurs du milieu. Il est nécessaire pour ce faire de mettre en place une définition précise de la responsabilité et du rôle de chaque acteur en cas de survol interdit et d’établir des contre-mesures communes en cas d’atteinte à la sûreté et la sécurité. Enfin, le recueil de données de tous les acteurs jouera un rôle fondamental, qu’il s’agisse des données des tests de collisions effectués par les différentes entités comme des données enregistrées suite aux accidents et incidents survenus. La création d’une telle “Data Base” est un projet actuellement en cours afin de permettre un partage d’expériences global au niveau européen et d’établir des procédures communes en cas de survol interdit.

 

L’harmonisation des règles européennes va également être effectuée aux niveaux des conditions d’utilisation des drones. Pour rappel, la règlementation française distingue les activités de loisirs (dont les règles ont été rappelées en amont) des activités particulières / professionnels qui doivent s’exécuter selon l’un des 4 scénarios opérationnels (S-1 à S-4) :

  • le scénario S-1 s’applique pour les vols à vue, hors zone peuplée, à une distance horizontale de 200 mètre et une distance verticale de 150 mètres. Le poids du drone ne doit pas dépasser les 25 kg.
  • Le scénario S-2 s’applique pour les vols hors, hors zone peuplée à une distance horizontale de 1 km et une distance verticale de 50 mètres. Le poids du drone ne doit pas dépasser les 25 kg. Si le drone pèse moins de 2 kg alors il sera autorisé à voler jusqu’à 150 mètres d’altitude.
  • Le scénario S-3 s’applique aux vols à vue, dans les zones peuplées, à une distance horizontale de 100 mètre et une distance verticale de 150 mètres. Le drone ne doit pas dépasser les 8 kilogrammes.
  • Le scénario S-4 s’applique pour les vols hors vue, hors zone peuplée, il n’a pas de limite dans la distance horizontale, mais le drone ne peut aller au-delà de 150 mètres de hauteur. Le poids du drone ne doit pas dépasser les 2 kg. Et ce scénario nécessite une formation de pilote habité.

 

La nouvelle réglementation européenne, introduite, entre autres, par le règlement d’exécution 2019 /947, ne distingue plus entre les usages loisirs et professionnels. Le télépilote exploitera son drone selon trois scénarios :

  • le scénario « ouvert », qui s’applique aux activités à faible risque. Aucune autorisation ne sera nécessaire. Ce scénario sera réservé aux drones dont la masse ne dépasse pas les 25 Kilos et dont le vol se limite à une hauteur maximale de 120 mètres.
  • Le scénario «  spécifique » s’applique à des activités présentant un risque accru. Une autorisation délivrée par la DSCAC sera requise sauf si l’exploitation du drone entre dans le cadre du scénario standard déclaratif.
  • Le scénario « certifié », s’applique à des activités à risques élevées. Il impose la certification du drone et de son exploitant ainsi que l’octroi d’une licence de pilote à l’opérateur.

 

 

Enfin, la préparation des aéroports afin de leur permettre de réagir efficacement en cas de survol interdit. Il existe un grand nombre de solutions techniques pour détecter et identifier un drone, de manière à le localiser d’une part et déterminer s’il s’agit ou non d’une menace d’autre part. Ces différents systèmes sont notamment les radars, les rayons infrarouges ou encore les lasers. Il n’existe pas une solution idéale, car il existe autant de situations que de solutions idoines. En effet, de nombreux facteurs tels que les conditions météorologiques ou les caractéristiques techniques du drone influent sur la solution à adopter. Par exemple, les drones de loisirs, petits et légers, émettent des signaux si faibles -comparables à ceux qu’émettent les oiseaux- qu’un système radar ne les détecte pas. C’est pourquoi, là encore, un travail commun et la poursuite des recherches et du développement dont les résultats seraient regroupés sur une base de données partagée est nécessaire afin de mettre en place des procédures communes spécifiques adaptées à chaque situation. Cela permettrait ainsi aux aéroports européens d’être parés face aux situations de survol interdit et de pouvoir les gérer de manière efficace sans que cela n’entraîne une paralysie du trafic.