Les avancées de l’industrie des moteurs d’avion (dont le « leap »), face aux défis environnementaux et à la transition écologique.

« Face à la prise de conscience écologique, l’industrie aéronautique, aidée par les initiatives de l’OACI, développe de nouveaux moteurs qui répondent tant à des attentes environnementales que de performance. La mise au vert de l’industrie aéronautique est encouragée par ailleurs par les impulsions de l’OACI, notamment via le programme CORSIA. »

 

Le 6 février dernier, le cabinet SELENE Avocats s’est rendu au Palais de la découverte avant qu’il ne ferme ses portes pour quatre ans de rénovations. L’objectif de ce déplacement était de participer à la conférence de qualité, organisée conjointement par l’Académie de l’Air et de l’Espace et le Palais de la découverte. Cette conférence sur la propulsion aéronautique face aux défis sociétaux était présentée par deux professionnels de chez SAFRAN AIRCRAFT ENGINES, experts dans ce domaine, le Docteur Stéphane ORCEL (focus historique puis sur les perspectives futures et l’efficacité de nos déplacements aériens face aux enjeux sociétaux) et Monsieur Jérôme BONINI (Directeur Recherches et technologie).

Monsieur le Docteur Stéphane Orcel, directeur Stratégie produits et marchés, a débuté son propos en évoquant l’évolution de l’aviation commerciale depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui. Nous retiendrons quelques aéronefs incontournables dans le domaine de l’aviation commerciale, tels que le Boeing 314 (« Clipper ») qui représente la première ligne commerciale transatlantique, transpacifique, ou encore le Junker G38 (qui transportait une partie des passagers dans les ailes !), le Constellation avec sa triple dérive, ses quatre moteurs et son système novateur, à l’époque, de pressurisation. Sans oublier l’A320 avec son moteur Leap, avion le plus commandé depuis l’année dernière, et le tristement célèbre Concorde, qui fût considéré pour la première fois dans l’Histoire de l’aviation civile comme un recul technologique.

Ces avancées technologiques ont été rendues possibles grâce à des personnes incroyablement passionnées, persévérantes et expertes, auxquelles il convient de rendre hommage.

L’attention a été attirée sur les prouesses du moteur LEAP (pour Leading Edge Aviation Propulsion) : il représente une génération de turboréacteurs modernes, conçue par le consortium CFM International détenu à 50/50 par Safran Aircraft Engines et GE. Le LEAP a vocation à remplacer la famille des CFM56, avec une consommation en moyenne de 16 % inférieure !

Les défis sociétaux actuels sont nombreux  et la pression environnementale est telle qu’au plus au haut niveau, l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) a élaboré un ambitieux programme de réduction et de plafonnement des émissions carbonées à partir de cette année en s’appuyant sur quatre piliers :

– le durcissement des normes applicables en matière de bruit et d’émissions

– l’encouragement à développer l’usage des carburants alternatifs

– l’adaptation à l’évolution du climat

– tout un ensemble de mesures opérationnelles d’amélioration des procédures mises en œuvre par la navigation aérienne visant à diminuer l’empreinte carbone de l’aviation ; cela concerne essentiellement les vols IFR ; les différents acteurs (donc principalement les contrôleurs aériens) ont été fortement sensibilisés à la nécessité de i) réduire le temps de roulage au sol ii) privilégier des trajectoires économes en carburant et iii) préférer des méthodes de descente continue vers les pistes en garantissant des temps d’attente en vol raisonnables (optimisation du stacking ou « files d’attente dans le ciel », qui restent encore parfois trop longues à proximité de certains aéroports dont Londres Heathrow).

Plus spécifiquement en France et en Europe, face aux risques environnementaux, les normes sont contraignantes et de plus en plus sévères. Elles visent tant l’environnement acoustique que l’environnement écologique (émissions de carbone CO2). Quelques rappels juridiques nous semblent utiles.

 

I. Rappel de l’encadrement juridique des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine aérien

Contrairement à de nombreuses idées reçues, la flotte aérienne représente « seulement » 2.1% de la part d’émission de Co2 mondiale. Le Neo Leap, quant à lui, génère une émission inférieure à 60 grammes par passager par kilomètre, ce qui représente une avancée considérable.

Cette volonté de réduire l’émission de gaz à effet de serre dans le domaine aéronautique se matérialise par la directive européenne 2008/101/CE, laquelle intègre les activités aériennes dans le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. La directive est entrée en vigueur le 2 février 2009, puis a été transposée dans le code de l’environnement aux articles L229-5 à L229-24-2. Pour la période 2013-2020, le dispositif développé impose un plafond global d’émissions inférieur de 5%, avec comme référence le plafond des 3% de la période précédente.

  • L’article L229-7 du code de l’environnement définit un quota d’émissions de gaz à effet de serre comme « une unité de compte représentative de l’émission de l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone».

Ainsi  pour chaque installation bénéficiant de l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre, ou pour les émissions de gaz à effet de serre résultant d’activités aériennes, l’Etat affecte à l’exploitant, pour une période déterminée, des quotas d’émission et lui délivre chaque année, au cours de cette période, une part des quotas qui lui ont été ainsi affectés.

A l’issue de chacune des années civiles de la période d’affectation, l’exploitant restitue à l’Etat sous peine des sanctions prévues à l’article L. 229-8 un nombre de quotas égal au total des émissions de gaz à effet de serre de ses installations ou résultant de ses activités aériennes. Ces dispositions visent à réguler les émissions de gaz à effet de serre et atteindre l’objectif de la neutralité carbone. En réponse à cet objectif, le domaine aéronautique a été l’une des premières industries à prendre des mesures sur l’empreinte écologique.

Un autre enjeu environnemental, et plus concret pour les riverains des aéroports, concerne la réduction des bruits, sous le contrôle direct et indirect de l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires).

 

II. Rappel de l’encadrement juridique des nuisances sonores des aéronefs, sous le contrôle de l’ACNUSA

Le domaine aéronautique et l’usage d’aéronefs est souvent générateur de nuisances sonores. Afin de respecter l’environnement de chacun, 75% des normes aériennes environnementales concernent l’acoustique.

Dans cette hypothèse de régulation des bruits et nuisances sonores générées par le transport aérien et le secteur aéroportuaire, l’organisme de référence, en France, est l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Elle peut émettre des recommandations sur toute question relative aux nuisances environnementales sur et autour des aéroports. Elle réalise également de nombreuses études relatives à la mesure du bruit et aux effets engendrés par le bruit des avions.

L’ACNUSA définit le bruit comme « un ensemble de sons sans harmonie ». Pour les avions en vol on distingue le bruit des groupes motopropulseurs, prépondérant lors des phases de décollage, et le bruit aérodynamique qui devient aussi important que le bruit des moteurs pour les phases d’atterrissage.

Aujourd’hui, deux normes existent pour évaluer l’impact sonore des aéronefs et pour mesurer le bruit.

 

  • La première norme est la norme AFNOR NF S31-190 « Caractérisation des bruits d’aéronefs perçus dans l’environnement ». Elle date de mars 2008.

 

  • La deuxième est la Norme Internationale ISO 20906 : 2009 « Surveillance automatique du bruit des aéronefs au voisinage des aéroports», en date de décembre 2009.

 

Les experts de SAFRAN ont réalisé de nombreux tests sur leurs nouveaux moteurs, à la grande soufflerie de Modane. Ces tests ont révélé que l’amplitude du bruit de leurs moteurs était plus faible, et à fréquence variable l’hélice tournant plus lentement. Pour arriver à ce résultat ils ont développé un modèle alternatif en mélangeant les deux mondes, c’est-à-dire en enlevant et remplaçant le « reverse » par le « Fan ».

Ainsi, face aux défis environnementaux actuels et aux normes juridiques de plus en plus contraignantes, le monde de l’industrie aéronautique dispose de ressources.

Outre les initiatives heureuses prises par l’OACI, tel que le dispositif « Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation » (CORSIA), plusieurs industriels témoignent de cette prise de conscience « verte » en proposant des solutions toujours plus concrètes et respectueuses de l’environnement.

Airbus s’est déjà concrètement engagé dans cette nouvelle perspective avec son projet « Maveric ». L’avionneur européen a dévoilé un nouveau modèle réduit d’aile volante de forme delta. Cette modification radicale de la forme des avions est destinée à réduire les émissions de CO2.

En somme, seul l’avenir témoignera de la réalité de l’objectif neutralité carbone : sur ce terrain, l’industrie aéronautique se doit de demeurer ambitieuse et audacieuse et ne doit pas ménager ses efforts pour se « mettre au vert » « preuves à l’appui » et ce, surtout à l’ère, un peu excessif certes, de « l’avion-bashing » (cf le mouvement « flygskam » né en Suède en 2018 et qui consiste à boycotter l’avion face à l’urgence climatique).