Paris juridiction internationale : création d’une chambre internationale au sein du Tribunal de commerce de Paris : saluons cette audace !

Paris fait encore un pas en avant dans son objectif de devenir une juridiction internationale à part entière du monde des affaires. C’est notamment à la suite du Brexit et de l’évolution toujours croissante du commerce internationale que s’inscrit cette innovation.

En plus de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), avec sa Cour internationale arbitrale, Paris s’apprête désormais à compter une chambre internationale au sein de son Tribunal de commerce dont le but serait de régler les différends à vocation commerciale internationale et notamment anglo-américains.

Lors d’une conférence tenue dans la 1ère chambre de la Cour d’appel de Paris le 13 décembre dernier, Nicole Belloubet, Garde des sceaux, a confirmé l’intention du gouvernement de mener à bout ce projet et a, par la même occasion, dévoilé sa mise en œuvre prochaine. Celle-ci devrait donc voir le jour dans le courant du mois de janvier 2018 pour des premières audiences aux alentours du mois de mars 2018.

 

  • Un changement majeur dans la procédure française

Les apports essentiels de cette nouvelle chambre seraient en particulier la possibilité de mener la procédure dans une langue étrangère. Afin de respecter l’ordonnance Villers-Cotterêts imposant que les actes officiels soient rédigés en langue française il est prévu que les actes de procédures seront systématiquement accompagnés d’une traduction en français.

De plus, les pièces pourront être produites dans une langue étrangère choisie par les parties. Les parties à l’instance pourront être entendues dans une langue choisie, accompagnées par un système de traduction simultanée. Enfin, la décision sera rendue en français mais accompagnée d’une traduction rédigée par le Tribunal lui-même.

 

  • Une procédure principalement orientée vers l’anglais

Cette nouvelle chambre serait pour le moment dédiée principalement aux procédures dont la langue choisie serait celle anglaise. Pour cela, elle sera composée de magistrats sélectionnés spécialement pour leur capacité à comprendre et s’exprimer dans cette langue.

Cependant il n’a nullement été écarté la possibilité dans le futur d’un élargissement linguistique de cette chambre qui pourrait voir ses procédures conduites en espagnol, chinois ou encore arabe ; langues dont les marchés respectifs sont en constante augmentation.

 

  • Un double objectif, dont celui de reprendre une part de marché à l’arbitrage

Cette création d’une nouvelle chambre a donc pour double vocation et effet d’attraire en France des litiges qui auraient été portés devant des juridictions étrangères (notamment anglo-saxonnes) et de reprendre une part de marché à l’arbitrage dont la procédure est beaucoup plus souple et a admis depuis longtemps la possibilité de la mener dans la langue choisie par les parties. AC

La renonciation irrévocable à la convention d’arbitrage au profit de la saisine des tribunaux étatiques : un cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage confirmé par la Cour de cassation

Cass. Civ. 1ère, 20 avril 2017, n°16-11.413

 

Le principe compétence-compétence (consacré par l’article 1448 du Code de procédure civile), selon lequel l’arbitre a seul compétence pour statuer sur sa propre compétence, est à nouveau battu en brèche par la Cour de cassation. En effet, dès lors que la renonciation à la clause compromissoire par les parties est irrévocable, cette volonté rend la clause manifestement inapplicable.

En l’espèce, la société Distri Dorengts a conclu avec la société Carrefour proximité France (CPF) deux contrats de franchise et de location-gérance, et un contrat d’approvisionnement avec la société CSF. Les sociétés CPF et CSF assignent la société Distri Dorengts en paiement de factures devant le tribunal de commerce de Saint Quentin, nonobstant la présence des clauses compromissoires dans les contrats de franchise et d’approvisionnement. La défenderesse n’avait pas soulevé de contestation sur la compétence dans cette instance. Par ailleurs, cette dernière a attrait par la suite la société CPF, devant la même juridiction, en nullité du contrat de location-gérance (dépourvu de clause compromissoire) et en paiement. La société CPF, se référant à l’ensemble des trois contrats, a soulevé une exception d’incompétence du tribunal étatique au profit d’un tribunal arbitral en raison de la clause compromissoire insérée dans le contrat de franchise. Les deux instances ont été jointes.

Tandis que le tribunal de commerce s’était reconnu incompétent, la cour d’appel d’Amiens a infirmé ce jugement. La Cour de cassation accueille et confirme la décision d’appel, au motif que la renonciation des parties à la clause compromissoire, en raison de la saisine d’une juridiction étatique par l’ensemble des parties, rend cette clause manifestement inapplicable.

Cet arrêt illustre un nouveau cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage. Ainsi, la renonciation non équivoque à la convention d’arbitrage par les parties rend la convention manifestement inapplicable. Toutefois, la doctrine analyse cette décision de manière unanime, comme une simple application d’un principe classique du droit des contrats, selon lequel les parties peuvent défaire un contrat par consentement mutuel (conformément aux dispositions de l’article 1193 du Code civil, anciennement 1134 al 2).