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Pas de vie privée pour la personne morale

Le 17 mars 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation (n°15-14072) a considéré qu’une personne morale ne peut se prévaloir d’une atteinte à sa vie privée au sens de l’article 9 du Code civil.  Elle vient ainsi limiter une évolution qui tendait à reconnaître un nombre croissant de droits aux personnes morales.

L’atteinte à la vie privée invoquée en raison de la présence de caméras de vidéo-surveillance

Une société reproche en l’espèce à une société voisine d’avoir installé un système de vidéo-surveillance dirigé sur un passage commun. Le juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile afin que soit ordonné le retrait de l’installation et fixée une provision à valoir sur le montant du préjudice résultant de l’atteinte à la vie privée de la personne morale.

Cette argumentation a connu un certain succès devant les juridictions du fond. La cour d’appel avait considéré qu’il existait bien un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser. En effet, la caméra de vidéo-surveillance permettait d’enregistrer les mouvements des personnes se trouvant sur le passage commun et en particulier de filmer au niveau de l’entrée du personnel de la société. Dès lors, une atteinte au respect de la vie privée pouvait être caractérisée en l’espèce.

Le refus de reconnaître une vie privée au sens de l’article 9 du Code civil pour les personnes morales 

La Cour de cassation ne partage pas l’analyse de la juridiction d’appel. En effet après avoir rappelé que les personnes morales disposent, notamment d’un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances, elle vient poser une limite à cet inventaire de droits : les personnes morales ne peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée au sens de l’article 9 du Code civil.

Cette décision semble respectueuse de la notion de vie privée, dont les contours ne sont pas toujours aisés à cerner. La vie privée est constituée par la sphère intime de chacun, ce qui ne peut être vu ou dit car il est choisi de le cacher ou de le taire. La personne morale, fiction juridique, ne peut donc se prévaloir de cette sphère intime. La Cour de cassation rappelle ainsi que si elle bénéficie de droits, la personne morale ne peut pas nécessairement se prévaloir de tous les droits de la personnalité conférés à la personne physique. La personne morale devra donc encore attendre avant de pouvoir s’inviter à déjeuner.