La capacité de la personne morale : une introduction innovante mais source de contentieux (réforme du code civil – suites…)

L’ordonnance portant réforme du droit des contrats, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, a mis en place, de façon inédite, un régime de capacité des personnes morales. En effet, avant celle-ci, la loi prévoyait un régime de capacité à destination des seules personnes physiques.

Toutefois, ce nouvel article 1145 alinéa 2 du Code civil engendre des difficultés d’application du droit commun des contrats au particularisme du droit des sociétés.

Le nouvel article 1145 du Code civil prévoit que :

« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles. »

Ce texte s’applique au droit des sociétés puisque le contrat de société est certes un contrat spécial, mais il reste soumis aux règles générales. Cependant, le texte faisant référence aux « personnes morales », seules les sociétés dotées de la personnalité morale peuvent bénéficier de la capacité, ce qui n’est pas le cas par exemple des sociétés créées de fait.

 

  • Le nouveau critère « d’utilité » à appréhender en attendant la création prétorienne…

Cette capacité est limitée puisqu’elle se cantonne « aux actes utiles à la réalisation de l’objet social et aux actes qui leur sont accessoires. » Force est de constater que ce critère d’utilité est source d’incertitude, celui-ci étant distinct de la conformité à l’intérêt social, pourtant utilisé pour contester la validité des cautionnements accordés par les sociétés.

En outre, s’agit-il d’une utilité matérielle ou d’une utilité économique ? En tout état de cause et aux fins de préserver la sécurité juridique, une interprétation objective de cette notion serait appréciable. Reste à attendre l’appréciation de cette notion par les juges du fond.

Au sujet de l’objet social, les conseils devront être vigilants dans la rédaction des statuts. Il sera nécessaire de définir l’objet social, mais aussi tous les moyens généraux qui permettront la réalisation de ce dernier afin que les dirigeants des personnes morales aient la capacité à engager celle-ci par des actes variés.

  • L’articulation de la capacité avec le droit spécial des sociétés

Il est de droit constant que les sociétés de capitaux sont engagées même par les actes des représentants légaux qui ne relèvent pas de l’objet social. Par conséquent et conformément à la règle specialia generalibus dérogeant, cette limite de capacité s’appliquerait uniquement aux sociétés de personnes. Cette interprétation ne semble pas compromettre l’efficacité du nouvel article, dès lors qu’il prévoit s’appliquer « dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles ».

  • L’application de l’article 1148 nouveau au droit des sociétés ?

Nonobstant, une ambigüité persiste sur l’effet du nouvel article 1148 du Code civil aux personnes morales, qui souligne «  Toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir seule les actes courants autorisés par la loi ou l’usage, pourvu qu’ils soient conclus à des conditions normales ».  Selon certains auteurs, il constituerait une soupape à la règle quand d’autres pensent que cet article se borne à la capacité des personnes physiques notamment par l’utilisation du mot « seule ». Sur ce point la jurisprudence aura à trancher.

 

Ainsi, l’entrée de la capacité des personnes morales dans le Code civil est inédite mais demeure imprécise quant aux différentes notions qui l’encadrent. Il sera donc important de suivre la jurisprudence future en la matière d’autant que l’incapacité des personnes physiques et morales entraine la nullité relative des actes pris (article 1147 nouveau). PB