La détermination de la juridiction compétente en matière de rupture de relations commerciales établies au sein de l’Union européenne

La détermination du juge compétent lors de la survenance d’un litige dans deux états membres de l’Union Européenne est cruciale et peut se révéler assez délicate. En effet, si en matière contractuelle le tribunal compétent est celui du lieu de livraison des marchandises ou de fourniture des services, il en est autrement en matière délictuelle où la compétence revient au tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit.

La question devient encore plus épineuse en présence d’une relation contractuelle tacite. L’arrêt de la chambre commerciale du 20 septembre 2017 apporte une réponse à la question de la détermination du juge compétent dans l’Union européenne en cas d’action en responsabilité pour rupture d’une relation commerciale établie.

En l’espèce, une société française vendait des produits à un distributeur belge. Ces relations d’affaires ont opéré hors contrat cadre de 2003 à 2010. Lorsque la société belge a rompu le contrat d’affaires, la société française a cherché à obtenir réparation sur le fondement de l’article L.442-6.I 5° du Code de commerce et a assigné son ancien partenaire devant le Tribunal de commerce de Paris.

Dans sa décision, la Cour de cassation a retenu l’incompétence des juridictions françaises en rappelant que selon l’interprétation du Règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 faite par la CJUE  « une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d’éléments concordants ».

Cet arrêt fait écho à une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 14 juillet 2016. La Cour de justice a ainsi précisé que « la démonstration visant à établir l’existence d’une telle relation contractuelle tacite doit reposer sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée ». Cet arrêt met donc fin au questionnement quant à la nature de l’action pour rupture d’une relation commerciale établie dans le cas d’un litige transfrontalier en retenant qu’elle relève de la matière contractuelle. De plus, cette décision dresse une liste de critères permettant de caractériser une relation contractuelle tacite.

Cette solution était d’autant plus nécessaire que le droit interne adopte une position différente de celle retenue dans le cadre européen en retenant une qualification délictuelle (Cass. com., 6 février 2007, n°03-20463 et Cass.com., 13 janvier 2009, nº 08-13971).

Cependant, il convient de souligner que cette solution n’a vocation à s’appliquer que pour les litiges transfrontaliers. En effet, les notions de matière contractuelle ou délictuelle sont des notions autonomes en droit européen. Il convient donc de les détacher de leur contexte juridique national et de les apprécier à l’aune du système et des objectifs du règlement appliqué.