L’INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE CHINOISE ENFIN PAREE A UN VRAI DECOLLAGE ?

 

Retour sur la Conférence organisée le 27 mars dernier par 3AF et animée par Monsieur Jean Paul Perrais; Membre émérite de l’Association 3AF et de l’Académie de l’Air et de l’Espace ; ancien détaché de la DGAC, en charge de la direction des programmes aériens civils (Airbus et CFM56) ; Secrétaire général ADIFAP (Association pour promotion activités France et TOM en Asie/Pacifique).

Le cabinet SELENE Avocats a eu le plaisir d’assister à cette Conférence de grande qualité et rend hommage à 3AF et Monsieur Jean Paul Perrais à cet égard.

I. Un mégacontrat signé avec AIRBUS le 25 mars 2019

Même si cela est inégal en fonction des secteurs concernés, le secteur aéronautique chinois est en plein essor. La signature le 25 mars dernier, entre Airbus et la China Aviation Supplies Holding Company (CASC), d’un accord portant sur l’acquisition de 290 appareils de la famille A320 et de dix A350, en présence des présidents chinois et français, Messieurs Xi Jinping et Emmanuel Macron (valeur environ 30 milliards d’euros) en est un parfait exemple.

Pour le gouvernement chinois, la priorité est de développer l’autosuffisance et la compétitivité mondiale du secteur aéronautique. Cette ambition est exposée grâce au plan national « made in China 2025 » ayant pour objectif de transformer ce pays en puissance manufacturière de premier ordre.

II. La puissance des programmes de sous-traitance chinois

Afin de concrétiser ce projet, la Chine s’est ouverte sur le marché occidental avec la mise en place de plusieurs programmes de sous-traitance dont :

  • la chaîne d’assemblage des Airbus 320 à Tianjin ayant produit plus de 390 avions depuis 2008 ;
  • la mise en place du centre de finition agréé pour les livraisons de tous les modèles de la famille 737 MAX ; dont la production est réalisée à Renton, près de Seattle.

Ces initiatives ont permis de familiariser les usines chinoises aux méthodes de production occidentales et d’effectuer tant des transferts de technologie que de savoir-faire.

III. Le duopole Boeing / Airbus fragilisé par le chinois COMAC ?

De plus, le constructeur chinois COMAC (Commercial Aircraft Corporation of China) développe plusieurs projets d’avions en vue de fournir le marché des moyens et gros porteurs chinois et potentiellement d’autres marchés.

Peuvent être cités :

  • le C919, moyen porteur inspiré de l’A320, dont la mise en service est prévue pour 2021 ; plus de 800 avions seraient commandés auprès de clients chinois et GECAS (filiale leasing de General Electric). Son prix de vente et sa faible consommation de kérosène sont des atouts.

Monsieur Jean Paul Perrais a insisté, à juste titre, d’une part, sur le rythme très lent des essais en vol et globalement des processus de certification en Chine et d’autre part, sur la forte implantation d’Airbus (A320) et de Boeing (B737) sur le marché chinois.

  • le CR929, gros porteur développé en coopération avec la Russie dont la mise en service est prévue en 2027. A long terme, ce projet a pour ambition de concurrencer le Boeing 787 et les Airbus 330 neo et A350.

IV. La place significative de la Chine dans le secteur des drones

Les drones militaires occupent une place importante dans le système de défense chinois. Depuis 2012, ils constituent la deuxième flotte mondiale après les USA, et prévoient d’être la première d’ici 2024. Leur exportation connait également une croissance importante dans certains pays (Egypte, Arabie Saoudite, Myanmar).

Mais c’est surtout le secteur des drones civils qui tire son épingle du jeu :

  • Activité importante malgré les restrictions imposées par le gouvernement chinois à l’espace aérien civil (qui ne facilite pas non plus l’essor des avions COMAC) ;
  • DJI (Shenzhen) est devenu le leader mondial des drones civils !
  • Ehang UAV est une société chinoise développant des taxis-drones volants, a priori promis à un bel avenir (naturellement « à la certification près » qui n’est pas du tout acquise d’avance auprès de la FAA et l’EASA). Ce constructeur chinois va implanter un centre de Recherche & Développement et un site d’essai à Lyon. Une cinquantaine d’emplois seront ainsi créés sur trois ans.

EN CONCLUSION :

  • La Chine est devenue un acteur de 1er plan dans le secteur aéronautique
  • Cependant, l’industrie chinoise doit relever certains défis pour devenir véritablement autosuffisante et compétitive.

Plus particulièrement, l’aéronautique civile rencontre des difficultés dans l’acquisition des processus de certification primaire de ses aéronefs. Son développement est également ralenti par les restrictions imposées par l’armée sur l’espace aérien national.

Mais, le plus grand défi pour la Chine consiste à se détacher des modèles de production soviétiques. Elle les avait appliqués dès les prémices de son industrie aéronautique, lors de la guerre de Corée (création de centres de réparations pour les aéronefs militaires russes). Ce mode d’organisation (dispersé) génère des carences et retards en matière de production, de coordination des usines et de regroupement des études et du savoir-faire. Le secteur de la motorisation – maillon faible de l’industrie aéronautique chinoise – a particulièrement souffert de ces carences.

Pour autant, depuis 1998, le gouvernement chinois a entamé une politique de restructuration et de rationalisation de son industrie. Ainsi, en 2016 fut créée l’AECC (AERO ENGINE CORPORATION OF CHINA, qui se veut le pendant du groupe français SAFRAN) regroupant l’ensemble des moyens locaux de développement des moteurs aéronautiques. Ce secteur est devenu la priorité nationale et la Chine a la volonté de créer une activité performante et indépendante en phase avec la montée en puissance de son activité militaire.

En toute hypothèse, il convient de saluer le dynamisme du monde industriel chinois. Le succès rencontré lors de l’alunissage du module d’exploration Chang’e-4 témoigne de sa capacité à réaliser des prouesses techniques et industrielles inégalées (premier alunissage jamais réalisé d’un engin spatial sur la face cachée de la Lune) !