Enjeux géopolitiques aéroportuaires : entre guerre des hubs et stratégies de coopération

SELENE Avocats a eu le plaisir d’assister à une conférence organisée par le Comité Aéronautique & Espace des Jeunes IHEDN et Sciences Po Alumni à Sciences-Po le 14 octobre dernier.

SELENE tient à remercier les deux intervenants pour la qualité exceptionnelle de leur intervention :

  • Michel Wachenheim, Président de l’Académie de l’Air et de l’espace et ambassadeur français et représentant permanent de la France auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ;
  • Edward Arkwright, directeur général exécutif du Groupe ADP.

Les aéroports jouent aujourd’hui un rôle central dans la transformation du secteur de l’aviation civile qui fait face à de nombreux défis (dont l’acuité est particulière dans le contexte de la préparation des JO de Paris 2024).

  • La décarbonation : l’urgence environnementale est aujourd’hui au centre des préoccupations des acteurs de l’aéronautique.
    • Si les constructeurs de la chaine de valeur jouent un rôle essentiel dans la recherche et le développement des carburants alternatifs (dont le SAF ou sustainable aviation fuel, carburant alternatif issu de matières premières durables), leur démarche ne peut aboutir sans une concertation et même une véritable coopération internationale avec les aéroports qui doivent être en mesure d’accueillir les infrastructures nécessaires.
    • En outre, les aéroports veillent à réduire leur propre empreinte carbone par l’optimisation de leur fonctionnement pour contribuer à l’effort visant à atteindre les objectifs de décarbonation.

 

  • Augmentation du trafic: la croissance du trafic aérien mondial, quoique ralentie depuis la crise de la Covid-19, reprend en suivant la croissance économique partout dans le monde (traditionnellement et avant le COVID, la croissance du trafic aérien s’élevait à 2 fois le PIB et encore davantage concernant la Turquie, l’Inde et / Chine, étant précisé que le centre de gravité du trafic s’est déplacé vers le Moyen-Orient)
    • Ce mouvement d’optimisation commande par ailleurs de repenser les stratégies commerciales des aéroports : il devient nécessaire de limiter le temps passé par chaque passager dans l’aéroport, ce qui constitue un antagonisme avec les intérêts des commerces qui y sont implantés
    • L’augmentation des capacités est difficile à envisager car, outre les restrictions imposées par les normes de l’urbanisme, une expansion des aéroports se heurtera nécessairement à l’opposition des riverains. Par conséquent, les aéroports doivent miser sur la diversification des offres de destinations, ce qui remet en question la stratégie des grands hubs.

 

  • Enfin, les aéroports sont confrontés à des exigences particulières de sûreté; tout d’abord, l’augmentation du nombre de passagers impose d’optimiser le fonctionnement des aérogares tout en assurant un niveau de sûreté qui doit rester à la hauteur des menaces toujours présentes (terrorisme notamment) ; par ailleurs, les menaces  ont évolué : il s’agit notamment de cybercriminalité, de présence de drones ou encore de passagers indisciplinés, ce qui nécessite un effort constant de veille et de recherche pour maintenir leur résilience.

Ces problématiques touchent l’ensemble du secteur aéronautique et il ne sera possible de réussir les transformations nécessaires que grâce à une coopération entre tous les acteurs, à grande échelle. Ainsi, on assiste à l’émergence de grands groupes aéroportuaires, à l’image de « Aéroports de Paris ». Loin de se limiter à la capitale française, ce groupe est présent dans plus de 130 aéroports partout dans le monde et il convient de saluer son essor.

Cette expansion favorise l’efficacité dans la gestion des risques les plus diversifiés. Outre les moyens de recherche et de développement mis en œuvre pour assurer la sécurité et la sûreté en amont, les équipes des groupes aéroportuaires affinent en permanence leur savoir-faire dans la gestion de crises sanitaires, politiques ou sécuritaires pour ensuite en faire bénéficier l’ensemble du groupe et pouvoir ainsi réagir rapidement.

La coopération pour la transformation du transport aérien n’est pas limitée aux acteurs aéronautiques. En effet, la gestion de la croissance du nombre des passagers dans les conditions de capacités limitées impose d’encourager et de développer des solutions d’intermodalité des transports, ce qui est mis en œuvre en collaboration avec les transporteurs ferroviaires et routiers.

Enfin, la transformation du secteur aérien serait impossible sans le soutien des pouvoirs publics qui ont pour rôle d’encourager la concurrence et stimuler l’émergence de nouvelles façons de fonctionner.

La mobilisation des aéroports aux côtés de tous les acteurs impliqués contribue à une transformation globale pour répondre à ces défis de taille. L’aviation civile continue d’assurer son rôle d’accélérateur de croissance et de coopération internationale tout en préparant un avenir qu’on espère plus durable et toujours aussi sûr, particulièrement en prévision des JO de Paris en 2024.