SELENE Avocats présent à la conférence Droit commun et contrats spéciaux : quelles influences ? quelle articulation ? à l’université Lyon 3

Vendredi 9 février 2018, SELENE Avocats s’est rendu à Lyon pour un colloque passionnant organisé par l’association des étudiants du Master 2 Droit et pratique des contrats ayant pour thème « Droit commun et contrats spéciaux : quelles influences ? quelle articulation ? ».

Ce colloque avait pour but de mettre en exergue les relations aux plans juridique mais aussi pratique entre le droit commun des contrats et le droit des contrats spéciaux, notamment à la lumière de la réforme du droit des contrats de 2016 et de son processus de ratification actuelle.

De nombreux intervenants de qualité ont ainsi pu présenter leurs points de vue, tels que les Professeurs Daniel Mainguy, Blandine Mallet-Bricout ou encore Jean-Christophe Roda. Des avocats ont aussi pu prendre la parole apportant un aspect concret et pratique sur les arguments évoqués, par exemple Maîtres Bonnet, Hotte ou Durez.

Le Professeur Mainguy, qui a introduit la conférence, a expliqué comment, de son point de vue, seul le droit des contrats spéciaux influe sur le droit commun et que cette influence est à sens unique. Il a ainsi démontré que c’est en examinant la mise en œuvre de ce droit supplétif que l’on observe que la réflexion part du droit spécial pour aller vers le droit général qui est subsidiaire.

S’agissant de l’articulation entre ces deux régimes, le Professeur Mainguy a mis en exergue le fait que deux règles se concurrencent :

  • celle selon laquelle les lois spéciales priment sur les générales
  • celle selon laquelle les exceptions doivent être interprétées strictement.

Il a été démontré que ces deux règles sont appliquées de façon différente en fonction des objectifs que le juge veut atteindre.

Furent ensuite abordés trois sujets au cours de différentes tables rondes, regroupant à chaque fois un avocat et un professeur.

  • Droit commun et droit des affaires : comment gérer les clauses de prix ?

Cette table ronde fut l’occasion de revenir sur la réforme actuelle du droit des contrats qui fait apparaitre un droit nouveau, à interpréter, explorer et appliquer, sans le poids de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Maître Martinez, avocat au Barreau de Lyon a notamment évoqué le cas fréquent en pratique d’une fixation inexistante ou défectueuse du prix. En effet, en présence d’un contrat dont les clauses de prix sont ambiguës ou absentes quelle marge de manœuvre le juge a-t-il ? Il pourrait être opportun que le juge fixe lui-même le prix ou une méthode de calcul afin que le contrat puisse être exécuté, il serait aussi imaginable que le juge puisse faire appel à un expert afin que le prix devienne déterminé ou déterminable. Cependant la jurisprudence refuse ces actions aux juges du fond, en vertu du principe de non intervention du juge.

Les parties à un contrat doivent donc s’accorder en amont sur la détermination du prix ou sur les critères permettant de le déterminer le moment venu. Si la fixation est unilatérale (ce qui est fréquent en pratique) elle doit être convenue en amont, on peut donc parler d’un « unilatéralisme d’un commun accord ».

Maître Hotte, avocat associé chez Fidal, a conclu cette table ronde par un tour d’horizon de la place des clauses de prix dans les contrats de distribution. En effet, dans ces contrats cadre, la complexité des relations est telle que la lecture du prix n’est plus directe, un consommateur sait du premier regard combien va lui couter un produit, mais un commerçant ne pourra pas être certain par avance du prix auquel il va acheter sa marchandise.

Cette complexité vient de la structure même du marché français de la distribution notamment en raison de l’imposition d’un seuil de revente à perte pour limiter la concurrence des grands réseaux de distribution. Le caractère déterminable d’un prix se considère donc au regard de la convention globale et de toutes les circonstances entourant le contrat.

Il y a une forte originalité des clauses de prix dans ces contrats, avec des flux spéciaux, et du formalisme lourd ayant pour but de contrôler la loyauté des contractants. L’influence du droit spécial sur le droit commun se retrouve de façon flagrante dans ce domaine, en effet, la lutte contre les pratiques/clauses abusives en droit de la distribution est une source d’inspiration majeure de la réforme du droit des contrats.

  • Droit commun et droit de la consommation : interactions et articulation

Encore une fois la réforme du droit des contrats fut mise en avant ; en effet, elle introduit l’article 1171 du Code civil qui généralise la prohibition des clauses abusives dans tous les contrats d’adhésion. Avant la réforme, des mécanismes similaires se retrouvaient dans le droit des contrats spéciaux et notamment dans l’article L.212-1 du Code de la consommation et L.442-6 du Code de commerce.

A la suite des différentes lectures par les chambres parlementaires il semble qu’une conception relativement large de la notion de contrat d’adhésion soit désormais actée. Cette définition large permet de considérer l’article 1171 du Code civil comme une disposition de droit commun, d’où il ressort de façon non contestable une inspiration du droit des contrats spéciaux.

Se pose alors la difficulté d’une articulation entre ces différentes normes. En effet, si l’article 1171 et celui du Code de commerce ou de la consommation sont applicables en même temps alors quel texte le juge doit-il appliquer et quel fondement l’avocat doit-il soulever ?

Cette question a été posée clairement lors des débats parlementaires : la seule réponse apportée fut qu’il n’existe pas d’incompatibilité des textes à appliquer la règle spéciale et donc évincer l’article 1171. Cependant il fut refusé de mettre explicitement qu’en cas de cumul il serait nécessaire d’exclure l’article 1171, car ce principe ressortirait naturellement de l’article 1105 du Code civil.

  • Droit commun et droit immobilier : évolutions des pratiques et nouveaux risques ?

Cette dernière table ronde fut l’occasion de rappeler l’évolution de l’obligation d’information entre les cocontractants en droit immobilier. En effet, cette obligation, d’ordre public dans cette matière spéciale, est désormais intégrée dans le droit commun des contrats à travers l’article 1112-1 du Code civil.

Le droit spécial de l’immobilier et de la construction a aussi influencé le droit commun en ce qui concerne l’abus d’état de dépendance, ce concept étant désormais intégré à l’article 1143 du Code civil, qui consacre un nouveau cas de violence comme vice du consentement.

Cependant, il a été rappelé le caractère particulier de ce droit spécial, dont la plupart des dispositions sont d’ordre public, ne pouvant donc faire l’objet de dérogation par les parties, en opposition avec le principe de liberté contractuelle de droit commun. AC

Dirigeants d’entreprise : attention lors de la cession de votre société ! (De l’impact de la réforme du droit des contrats sur le droit des sociétés)

La réforme du droit des contrats avait été annoncée il y a plus de dix ans, l’objectif étant de moderniser le droit français afin qu’il soit plus attractif pour les acteurs économiques et qu’il garantisse davantage de sécurité juridique.

L’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, est enfin entrée en vigueur la 1 octobre 2016.

Dans cet objectif de modernisation, elle vient, tout comme le droit de la consommation et le droit commercial avant elle, protéger la partie faible au contrat. Cette protection est consacrée par l’introduction d’une obligation précontractuelle d’information d’ordre public qui a une incidence non négligeable sur le droit des affaires notamment dans les opérations de cessions de droits sociaux.

  • L’obligation précontractuelle d’information : une notion sujette à interprétations

L’article 1112-1 alinéa 1 du Code civil nouveau prévoit que

« Celle des parties qui connait une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Ce texte permet de s’assurer que lorsque deux parties entrent en négociation dans le but de conclure un contrat, la partie qui a le moins d’informations puisse contracter en toute connaissance de cause. Cependant et heureusement, il ne s’agit pas d’un devoir général d’information. En effet, les alinéas suivants précisent et limitent cette obligation.

Ainsi, il est bien entendu nécessaire que le débiteur de cette obligation ait connaissance de l’information. Dans le cas contraire il ne pourrait être responsable d’une omission.

Par ailleurs, ces informations doivent être déterminantes pour le consentement de l’autre partie. Cette notion est précisée par l’alinéa 3 dudit article puisque ces informations doivent avoir « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Toutefois, reste à déterminer si l’appréciation de ce caractère déterminant est objective (pour le commun des acquéreurs) ou subjective (information déterminante pour la partie en l’espèce).

Malgré quelques incertitudes, cette obligation se voit explicitement limitée puisque nous pouvons nous réjouir du contenu de l’alinéa 2 prévoyant qu’elle ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. De plus le terme de « légitimement » de l’alinéa 1 semble imposer au contractant ne détenant pas les informations un devoir de se renseigner.

S’agissant du régime de la preuve, l’alinéa 4 fait peser sur le créancier de l’obligation la charge de rapporter la preuve qu’une information lui était due. Le débiteur devra donc être vigilant et se pré constituer la preuve, tout au long des négociations, selon laquelle les informations ont bien été fournies.

Ainsi, s’il en a la preuve, le créancier pourra choisir d’engager la responsabilité délictuelle de son cocontractant ou d’obtenir l’annulation du contrat sur le fondement de la réticence dolosive.

  • L’obligation précontractuelle d’information : un outil de négociation

L’obligation précontractuelle d’information a une incidence sur toutes les différentes étapes des cessions de droits sociaux.

Ainsi durant les négociations, les vendeurs devront être vigilants et rigoureux dans l’échange d’informations. En pratique, il est courant d’effectuer des opérations de « due diligence » pour permettre aux candidats acquéreurs d’avoir à leur disposition, par le biais de « data room », toutes les informations nécessaires, qu’elles soient opérationnelles ou financières, pour que leur consentement ne soit pas vicié.

En outre, cette disposition vient conforter la technique de la data room exonératoire. Celle-ci consiste, pour le vendeur, à exiger en contrepartie, que toutes les informations révélées et les risques qui en découlent ne puissent faire l’objet d’une mise en œuvre des garanties du vendeur dans le contrat.

Le devoir d’information influence également la rédaction des clauses du contrat d’acquisition. C’est tout d’abord  le préambule qui est le lieu adéquat pour rappeler les éléments essentiels qui ont conduit les parties à contracter. Ainsi, si l’une ou l’autre des parties omet de communiquer une de ces informations, l’article 1112-1 du Code civil nouveau pourra être mis en œuvre.

Par ailleurs, l’acquéreur étant le principal bénéficiaire de cette obligation, il pourra (tenter de) demander au vendeur de déclarer qu’il a bien rempli son devoir d’information par une clause du contrat telle que la clause de « full disclosure ». Elle consiste pour le vendeur, à indiquer que ses déclarations et garanties ne comportent aucune inexactitude ou omission significative qui empêcherait l’acquéreur de réaliser l’opération. Malgré cela, ce type de clause reste difficilement imposable au vendeur.

Le vendeur, quant à lui, a tout intérêt à s’assurer qu’il a rempli ce devoir en exigeant de l’acquéreur qu’il déclare que toutes les informations déterminantes lui ont été communiquées, et qu’il est conscient des risques liés à celles-ci et à l’opération plus globalement.

Par conséquent, l’article 1112-1 du Code civil nouveau est amené à devenir un réel levier de négociation dans la rédaction des contrats de cessions de droits sociaux.

Ce dispositif devrait également jouer un rôle dans le contentieux post acquisition car il permet à l’acquéreur de ne pas voir la responsabilité du vendeur limitée par des conditions de seuils, de franchise ou de plafonnement qui sont généralement prévues dans les garanties d’actif et de passif. De plus, l’usage de ces garanties conventionnelles se voit fragilisé. En effet, l’article 1112-1 étant d’ordre public, le vendeur ne pourra plus limiter son obligation par une disposition de la garantie.

Désormais, en cas de conflit, demeure une incertitude sur la pratique des traditionnelles garanties conventionnelles. Toutefois, l’acquéreur pourra faire jouer la responsabilité délictuelle de l’article 1112-1 ou encore soulever une nullité pour dol, dont la preuve pourrait être facilitée par cette nouvelle obligation.

Le vendeur diligent, quant à lui, tirera également profit de cette disposition en actant en amont la bonne exécution de son devoir d’information. PB

Secret d’affaires : accord européen sur la Directive

Le secret d’affaires – information secrète à valeur commerciale – est un enjeu pour les entreprises, au même titre que les droits de propriété intellectuelle.

Secret d’affaires : accord sur la proposition de directive du Parlement européen

Approbation de la Directive – La proposition de directive du Parlement européen (PE) et du Conseil sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites » (la Directive) a été approuvée par la commission des Affaires Juridiques du PE, le 27 janvier 2016.

Définition du secret d’affaires – La Directive définit le secret d’affaires comme toute information qui a une valeur commerciale en ce qu’elle est secrète. L’article 2.1 de la Directive prévoit trois conditions cumulatives pour qu’une information soit considérée comme un secret d’affaires. Il faut que l’information :

  • Soit secrète car non connue des personnes appartenant aux milieux concernées ;
  • Ait une valeur commerciale ;
  • Fasse l’objet de dispositions de protection raisonnables.

Secret d’affaires : impacts de la notion en France

Loi Macron – La proposition de loi n°2139 sanctionnait pénalement la violation du secret des affaires. Cet ajout aurait complété la Directive, qui ne prévoit qu’une sanction civile. Mais les dispositions de cette loi, intégrées dans le projet de loi Macron, ont été supprimées sous la pression des médias.

Sources journalistiques – La pétition « Informer n’est pas un délit » redoute qu’une entreprise puisse poursuivre un journaliste du fait de révélations sur ses activités. La Directive prévoit cependant en son article 4.2 des limitations au secret d’affaires, notamment pour « l’usage légitime du droit à la liberté d’expression et d’information » ou encore « la révélation d’une activité illégale [à condition que] le défendeur ait agi dans l’intérêt public ».

Jurisprudence Google et E Kanopi – La Cour de cassation met en balance la protection du secret des affaires avec le droit de prendre connaissance des pièces remises à une autorité administrative indépendante. En effet, « seule une partie mise en cause peut demander la communication ou la consultation de la version confidentielle d’une pièce qu’elle estime nécessaire à l’exercice de ses droits ».

Com, 19 janvier 2016, n° 14-21.670, 14-21.671