Les entreprises face au risque cyber : une construction assurantielle nécessaire mais incomplète

Depuis les années 90, un nouveau risque apparaît pour les entreprises : les cyberattaques. Ces dernières se sont faites de plus en plus fréquentes ces dernières années. Ainsi, selon une étude du Cesin (Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique), une entreprise française subissait en moyenne 29 attaques par an en 2016. Aujourd’hui, le coût d’un incident cyber varie entre 200 000 et 1,3 million d’euros pour les PME dans le monde. Et pourtant, même face à ces chiffres, peu d’entreprises sont réellement assurées en France et dans le monde contre ce type de risques qui, selon le baromètre 2019 des risques émergents, établi par la Fédération Française de l’Assurance, sont considérés comme le risque majeur pour les sociétés d’assurance et de réassurance.

 

Jusqu’à présent, les entreprises se sont majoritairement assurées contre les risques cyber en se reposant sur les polices d’assurances traditionnelles. Dans ce cas, on parle alors de couverture silencieuse du risque cyber. Cela signifie que le risque cyber n’est pas expressément mentionné, mais qu’il est implicitement inclus.

Le principal problème face à cette « silent cover » est que les entreprises sont dès lors subordonnées à leurs assurances qui peuvent leur exposer des clauses d’exclusion à tout moment. C’est notamment ce qui est arrivé à l’entreprise de confiserie américaine Mondelēz. Cette dernière, suite à l’attaque de ses serveurs par le virus NotPetya, avait tenté de faire jouer son assurance. Néanmoins, après que le ministre des affaires étrangères britannique ait attribué l’attaque au Kremlin, la compagnie d’assurance de Mondelēz leur a finalement opposé une clause d’exclusion concernant les actes hostiles ou liés à des guerres.

Un second problème se matérialise à travers le fait que les polices d’assurance traditionnelles ne couvrent pas la totalité des coûts engendrés par les cyberattaques. A titre d’exemple, les assurances « dommages aux biens » protègeront les pertes matérielles mais pas les pertes de données ainsi que les conséquences de ces pertes sur l’exploitation.

Pour beaucoup, et notamment selon l’éminent professeur Michel Séjan et son article « Les cyberassurances, un contrat encore méconnu dans les entreprises », la souscription des entreprises à des cyberassurances apparaît alors comme la solution. Cependant, les cyberassurances sont encore largement méconnues que ce soit dans le milieu entrepreneurial ou dans le milieu assurantiel. Ces cyberassurances présentent plusieurs avantages. Elles seraient plus à même de protéger les fonds propres des entreprises ainsi que de leur fournir un accompagnement complet dans la gestion de ce nouveau risque que ce soit avant ou après sa concrétisation. La souscription à une cyberassurance permettrait donc de palier les défauts de la protection offerte par les polices d’assurances traditionnelles contre le risque cyber.

 

Toutefois, même si les cyberassurances se profilent comme la solution miracle pour les entreprises se trouvant confrontées au risque cyber, elles sont loin d’être suffisantes et abouties.

Tout d’abord, les cyberassurances ne sont que secondaires et la souscription à de telles assurances n’affranchit pas les entreprises de la mise en place ou de l’amélioration de leur système de protection face aux cyberattaques. Elles ne viennent qu’en plus de la protection et ne doivent pas s’y substituer.

Mais le problème majeur concernant les cyberassurances reste celui de la fluctuation importante des primes de ces assurances. Cette fluctuation s’explique par un manque de données historiques servant de base à l’établissement des prix ainsi que par la volonté des compagnies d’assurances de se protéger elles-mêmes face à l’occurrence de tels risques. En effet, la particularité du risque cyber est que lorsqu’il se concrétise, il peut toucher un nombre important d’entreprises ce qui contraindra les compagnies d’assurances à débloquer des sommes très importantes dans un temps très restreint.

De ce fait, de nombreuses entreprises remettent en cause l’intérêt économique à souscrire à de telles assurances.

 

Référence :

« Les cyberassurances, un contrat encore méconnu dans les entreprises », Michel Séjan (professeur agrégé en droit privé et science criminelle de l’Université de Bretagne Sud, Vannes), Gazette du Palais, 5 mai 2020, 140e année, n°17.

Lien vers la décision de justice américaine sur le cas Mondelēz :

https://www.databreachninja.com/wp-content/uploads/sites/63/2019/01/MONDELEZ-INTERNATIONAL-INC-Plaintiff-v-ZURICH-AMERICAN-INSURANCE-COMPANY-Defenda.pdf

Besoin d’information à 360 ? de la voiture autonome/sytèmes embarquant de l’I.A au droit des contrats en passant par le RGPD : lisez vite la Newsletter du mois de mai de SELENE Avocats !

 

Newsletter mai 2018_SELENE Avocats

SELENE Avocats présent à la conférence Droit commun et contrats spéciaux : quelles influences ? quelle articulation ? à l’université Lyon 3

Vendredi 9 février 2018, SELENE Avocats s’est rendu à Lyon pour un colloque passionnant organisé par l’association des étudiants du Master 2 Droit et pratique des contrats ayant pour thème « Droit commun et contrats spéciaux : quelles influences ? quelle articulation ? ».

Ce colloque avait pour but de mettre en exergue les relations aux plans juridique mais aussi pratique entre le droit commun des contrats et le droit des contrats spéciaux, notamment à la lumière de la réforme du droit des contrats de 2016 et de son processus de ratification actuelle.

De nombreux intervenants de qualité ont ainsi pu présenter leurs points de vue, tels que les Professeurs Daniel Mainguy, Blandine Mallet-Bricout ou encore Jean-Christophe Roda. Des avocats ont aussi pu prendre la parole apportant un aspect concret et pratique sur les arguments évoqués, par exemple Maîtres Bonnet, Hotte ou Durez.

Le Professeur Mainguy, qui a introduit la conférence, a expliqué comment, de son point de vue, seul le droit des contrats spéciaux influe sur le droit commun et que cette influence est à sens unique. Il a ainsi démontré que c’est en examinant la mise en œuvre de ce droit supplétif que l’on observe que la réflexion part du droit spécial pour aller vers le droit général qui est subsidiaire.

S’agissant de l’articulation entre ces deux régimes, le Professeur Mainguy a mis en exergue le fait que deux règles se concurrencent :

  • celle selon laquelle les lois spéciales priment sur les générales
  • celle selon laquelle les exceptions doivent être interprétées strictement.

Il a été démontré que ces deux règles sont appliquées de façon différente en fonction des objectifs que le juge veut atteindre.

Furent ensuite abordés trois sujets au cours de différentes tables rondes, regroupant à chaque fois un avocat et un professeur.

  • Droit commun et droit des affaires : comment gérer les clauses de prix ?

Cette table ronde fut l’occasion de revenir sur la réforme actuelle du droit des contrats qui fait apparaitre un droit nouveau, à interpréter, explorer et appliquer, sans le poids de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Maître Martinez, avocat au Barreau de Lyon a notamment évoqué le cas fréquent en pratique d’une fixation inexistante ou défectueuse du prix. En effet, en présence d’un contrat dont les clauses de prix sont ambiguës ou absentes quelle marge de manœuvre le juge a-t-il ? Il pourrait être opportun que le juge fixe lui-même le prix ou une méthode de calcul afin que le contrat puisse être exécuté, il serait aussi imaginable que le juge puisse faire appel à un expert afin que le prix devienne déterminé ou déterminable. Cependant la jurisprudence refuse ces actions aux juges du fond, en vertu du principe de non intervention du juge.

Les parties à un contrat doivent donc s’accorder en amont sur la détermination du prix ou sur les critères permettant de le déterminer le moment venu. Si la fixation est unilatérale (ce qui est fréquent en pratique) elle doit être convenue en amont, on peut donc parler d’un « unilatéralisme d’un commun accord ».

Maître Hotte, avocat associé chez Fidal, a conclu cette table ronde par un tour d’horizon de la place des clauses de prix dans les contrats de distribution. En effet, dans ces contrats cadre, la complexité des relations est telle que la lecture du prix n’est plus directe, un consommateur sait du premier regard combien va lui couter un produit, mais un commerçant ne pourra pas être certain par avance du prix auquel il va acheter sa marchandise.

Cette complexité vient de la structure même du marché français de la distribution notamment en raison de l’imposition d’un seuil de revente à perte pour limiter la concurrence des grands réseaux de distribution. Le caractère déterminable d’un prix se considère donc au regard de la convention globale et de toutes les circonstances entourant le contrat.

Il y a une forte originalité des clauses de prix dans ces contrats, avec des flux spéciaux, et du formalisme lourd ayant pour but de contrôler la loyauté des contractants. L’influence du droit spécial sur le droit commun se retrouve de façon flagrante dans ce domaine, en effet, la lutte contre les pratiques/clauses abusives en droit de la distribution est une source d’inspiration majeure de la réforme du droit des contrats.

  • Droit commun et droit de la consommation : interactions et articulation

Encore une fois la réforme du droit des contrats fut mise en avant ; en effet, elle introduit l’article 1171 du Code civil qui généralise la prohibition des clauses abusives dans tous les contrats d’adhésion. Avant la réforme, des mécanismes similaires se retrouvaient dans le droit des contrats spéciaux et notamment dans l’article L.212-1 du Code de la consommation et L.442-6 du Code de commerce.

A la suite des différentes lectures par les chambres parlementaires il semble qu’une conception relativement large de la notion de contrat d’adhésion soit désormais actée. Cette définition large permet de considérer l’article 1171 du Code civil comme une disposition de droit commun, d’où il ressort de façon non contestable une inspiration du droit des contrats spéciaux.

Se pose alors la difficulté d’une articulation entre ces différentes normes. En effet, si l’article 1171 et celui du Code de commerce ou de la consommation sont applicables en même temps alors quel texte le juge doit-il appliquer et quel fondement l’avocat doit-il soulever ?

Cette question a été posée clairement lors des débats parlementaires : la seule réponse apportée fut qu’il n’existe pas d’incompatibilité des textes à appliquer la règle spéciale et donc évincer l’article 1171. Cependant il fut refusé de mettre explicitement qu’en cas de cumul il serait nécessaire d’exclure l’article 1171, car ce principe ressortirait naturellement de l’article 1105 du Code civil.

  • Droit commun et droit immobilier : évolutions des pratiques et nouveaux risques ?

Cette dernière table ronde fut l’occasion de rappeler l’évolution de l’obligation d’information entre les cocontractants en droit immobilier. En effet, cette obligation, d’ordre public dans cette matière spéciale, est désormais intégrée dans le droit commun des contrats à travers l’article 1112-1 du Code civil.

Le droit spécial de l’immobilier et de la construction a aussi influencé le droit commun en ce qui concerne l’abus d’état de dépendance, ce concept étant désormais intégré à l’article 1143 du Code civil, qui consacre un nouveau cas de violence comme vice du consentement.

Cependant, il a été rappelé le caractère particulier de ce droit spécial, dont la plupart des dispositions sont d’ordre public, ne pouvant donc faire l’objet de dérogation par les parties, en opposition avec le principe de liberté contractuelle de droit commun. AC

Paris juridiction internationale : création d’une chambre internationale au sein du Tribunal de commerce de Paris : saluons cette audace !

Paris fait encore un pas en avant dans son objectif de devenir une juridiction internationale à part entière du monde des affaires. C’est notamment à la suite du Brexit et de l’évolution toujours croissante du commerce internationale que s’inscrit cette innovation.

En plus de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), avec sa Cour internationale arbitrale, Paris s’apprête désormais à compter une chambre internationale au sein de son Tribunal de commerce dont le but serait de régler les différends à vocation commerciale internationale et notamment anglo-américains.

Lors d’une conférence tenue dans la 1ère chambre de la Cour d’appel de Paris le 13 décembre dernier, Nicole Belloubet, Garde des sceaux, a confirmé l’intention du gouvernement de mener à bout ce projet et a, par la même occasion, dévoilé sa mise en œuvre prochaine. Celle-ci devrait donc voir le jour dans le courant du mois de janvier 2018 pour des premières audiences aux alentours du mois de mars 2018.

 

  • Un changement majeur dans la procédure française

Les apports essentiels de cette nouvelle chambre seraient en particulier la possibilité de mener la procédure dans une langue étrangère. Afin de respecter l’ordonnance Villers-Cotterêts imposant que les actes officiels soient rédigés en langue française il est prévu que les actes de procédures seront systématiquement accompagnés d’une traduction en français.

De plus, les pièces pourront être produites dans une langue étrangère choisie par les parties. Les parties à l’instance pourront être entendues dans une langue choisie, accompagnées par un système de traduction simultanée. Enfin, la décision sera rendue en français mais accompagnée d’une traduction rédigée par le Tribunal lui-même.

 

  • Une procédure principalement orientée vers l’anglais

Cette nouvelle chambre serait pour le moment dédiée principalement aux procédures dont la langue choisie serait celle anglaise. Pour cela, elle sera composée de magistrats sélectionnés spécialement pour leur capacité à comprendre et s’exprimer dans cette langue.

Cependant il n’a nullement été écarté la possibilité dans le futur d’un élargissement linguistique de cette chambre qui pourrait voir ses procédures conduites en espagnol, chinois ou encore arabe ; langues dont les marchés respectifs sont en constante augmentation.

 

  • Un double objectif, dont celui de reprendre une part de marché à l’arbitrage

Cette création d’une nouvelle chambre a donc pour double vocation et effet d’attraire en France des litiges qui auraient été portés devant des juridictions étrangères (notamment anglo-saxonnes) et de reprendre une part de marché à l’arbitrage dont la procédure est beaucoup plus souple et a admis depuis longtemps la possibilité de la mener dans la langue choisie par les parties. AC

La détermination de la juridiction compétente en matière de rupture de relations commerciales établies au sein de l’Union européenne

La détermination du juge compétent lors de la survenance d’un litige dans deux états membres de l’Union Européenne est cruciale et peut se révéler assez délicate. En effet, si en matière contractuelle le tribunal compétent est celui du lieu de livraison des marchandises ou de fourniture des services, il en est autrement en matière délictuelle où la compétence revient au tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit.

La question devient encore plus épineuse en présence d’une relation contractuelle tacite. L’arrêt de la chambre commerciale du 20 septembre 2017 apporte une réponse à la question de la détermination du juge compétent dans l’Union européenne en cas d’action en responsabilité pour rupture d’une relation commerciale établie.

En l’espèce, une société française vendait des produits à un distributeur belge. Ces relations d’affaires ont opéré hors contrat cadre de 2003 à 2010. Lorsque la société belge a rompu le contrat d’affaires, la société française a cherché à obtenir réparation sur le fondement de l’article L.442-6.I 5° du Code de commerce et a assigné son ancien partenaire devant le Tribunal de commerce de Paris.

Dans sa décision, la Cour de cassation a retenu l’incompétence des juridictions françaises en rappelant que selon l’interprétation du Règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 faite par la CJUE  « une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d’éléments concordants ».

Cet arrêt fait écho à une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 14 juillet 2016. La Cour de justice a ainsi précisé que « la démonstration visant à établir l’existence d’une telle relation contractuelle tacite doit reposer sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée ». Cet arrêt met donc fin au questionnement quant à la nature de l’action pour rupture d’une relation commerciale établie dans le cas d’un litige transfrontalier en retenant qu’elle relève de la matière contractuelle. De plus, cette décision dresse une liste de critères permettant de caractériser une relation contractuelle tacite.

Cette solution était d’autant plus nécessaire que le droit interne adopte une position différente de celle retenue dans le cadre européen en retenant une qualification délictuelle (Cass. com., 6 février 2007, n°03-20463 et Cass.com., 13 janvier 2009, nº 08-13971).

Cependant, il convient de souligner que cette solution n’a vocation à s’appliquer que pour les litiges transfrontaliers. En effet, les notions de matière contractuelle ou délictuelle sont des notions autonomes en droit européen. Il convient donc de les détacher de leur contexte juridique national et de les apprécier à l’aune du système et des objectifs du règlement appliqué.

La renonciation irrévocable à la convention d’arbitrage au profit de la saisine des tribunaux étatiques : un cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage confirmé par la Cour de cassation

Cass. Civ. 1ère, 20 avril 2017, n°16-11.413

 

Le principe compétence-compétence (consacré par l’article 1448 du Code de procédure civile), selon lequel l’arbitre a seul compétence pour statuer sur sa propre compétence, est à nouveau battu en brèche par la Cour de cassation. En effet, dès lors que la renonciation à la clause compromissoire par les parties est irrévocable, cette volonté rend la clause manifestement inapplicable.

En l’espèce, la société Distri Dorengts a conclu avec la société Carrefour proximité France (CPF) deux contrats de franchise et de location-gérance, et un contrat d’approvisionnement avec la société CSF. Les sociétés CPF et CSF assignent la société Distri Dorengts en paiement de factures devant le tribunal de commerce de Saint Quentin, nonobstant la présence des clauses compromissoires dans les contrats de franchise et d’approvisionnement. La défenderesse n’avait pas soulevé de contestation sur la compétence dans cette instance. Par ailleurs, cette dernière a attrait par la suite la société CPF, devant la même juridiction, en nullité du contrat de location-gérance (dépourvu de clause compromissoire) et en paiement. La société CPF, se référant à l’ensemble des trois contrats, a soulevé une exception d’incompétence du tribunal étatique au profit d’un tribunal arbitral en raison de la clause compromissoire insérée dans le contrat de franchise. Les deux instances ont été jointes.

Tandis que le tribunal de commerce s’était reconnu incompétent, la cour d’appel d’Amiens a infirmé ce jugement. La Cour de cassation accueille et confirme la décision d’appel, au motif que la renonciation des parties à la clause compromissoire, en raison de la saisine d’une juridiction étatique par l’ensemble des parties, rend cette clause manifestement inapplicable.

Cet arrêt illustre un nouveau cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage. Ainsi, la renonciation non équivoque à la convention d’arbitrage par les parties rend la convention manifestement inapplicable. Toutefois, la doctrine analyse cette décision de manière unanime, comme une simple application d’un principe classique du droit des contrats, selon lequel les parties peuvent défaire un contrat par consentement mutuel (conformément aux dispositions de l’article 1193 du Code civil, anciennement 1134 al 2).

Dirigeants d’entreprise : attention lors de la cession de votre société ! (De l’impact de la réforme du droit des contrats sur le droit des sociétés)

La réforme du droit des contrats avait été annoncée il y a plus de dix ans, l’objectif étant de moderniser le droit français afin qu’il soit plus attractif pour les acteurs économiques et qu’il garantisse davantage de sécurité juridique.

L’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, est enfin entrée en vigueur la 1 octobre 2016.

Dans cet objectif de modernisation, elle vient, tout comme le droit de la consommation et le droit commercial avant elle, protéger la partie faible au contrat. Cette protection est consacrée par l’introduction d’une obligation précontractuelle d’information d’ordre public qui a une incidence non négligeable sur le droit des affaires notamment dans les opérations de cessions de droits sociaux.

  • L’obligation précontractuelle d’information : une notion sujette à interprétations

L’article 1112-1 alinéa 1 du Code civil nouveau prévoit que

« Celle des parties qui connait une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Ce texte permet de s’assurer que lorsque deux parties entrent en négociation dans le but de conclure un contrat, la partie qui a le moins d’informations puisse contracter en toute connaissance de cause. Cependant et heureusement, il ne s’agit pas d’un devoir général d’information. En effet, les alinéas suivants précisent et limitent cette obligation.

Ainsi, il est bien entendu nécessaire que le débiteur de cette obligation ait connaissance de l’information. Dans le cas contraire il ne pourrait être responsable d’une omission.

Par ailleurs, ces informations doivent être déterminantes pour le consentement de l’autre partie. Cette notion est précisée par l’alinéa 3 dudit article puisque ces informations doivent avoir « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Toutefois, reste à déterminer si l’appréciation de ce caractère déterminant est objective (pour le commun des acquéreurs) ou subjective (information déterminante pour la partie en l’espèce).

Malgré quelques incertitudes, cette obligation se voit explicitement limitée puisque nous pouvons nous réjouir du contenu de l’alinéa 2 prévoyant qu’elle ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. De plus le terme de « légitimement » de l’alinéa 1 semble imposer au contractant ne détenant pas les informations un devoir de se renseigner.

S’agissant du régime de la preuve, l’alinéa 4 fait peser sur le créancier de l’obligation la charge de rapporter la preuve qu’une information lui était due. Le débiteur devra donc être vigilant et se pré constituer la preuve, tout au long des négociations, selon laquelle les informations ont bien été fournies.

Ainsi, s’il en a la preuve, le créancier pourra choisir d’engager la responsabilité délictuelle de son cocontractant ou d’obtenir l’annulation du contrat sur le fondement de la réticence dolosive.

  • L’obligation précontractuelle d’information : un outil de négociation

L’obligation précontractuelle d’information a une incidence sur toutes les différentes étapes des cessions de droits sociaux.

Ainsi durant les négociations, les vendeurs devront être vigilants et rigoureux dans l’échange d’informations. En pratique, il est courant d’effectuer des opérations de « due diligence » pour permettre aux candidats acquéreurs d’avoir à leur disposition, par le biais de « data room », toutes les informations nécessaires, qu’elles soient opérationnelles ou financières, pour que leur consentement ne soit pas vicié.

En outre, cette disposition vient conforter la technique de la data room exonératoire. Celle-ci consiste, pour le vendeur, à exiger en contrepartie, que toutes les informations révélées et les risques qui en découlent ne puissent faire l’objet d’une mise en œuvre des garanties du vendeur dans le contrat.

Le devoir d’information influence également la rédaction des clauses du contrat d’acquisition. C’est tout d’abord  le préambule qui est le lieu adéquat pour rappeler les éléments essentiels qui ont conduit les parties à contracter. Ainsi, si l’une ou l’autre des parties omet de communiquer une de ces informations, l’article 1112-1 du Code civil nouveau pourra être mis en œuvre.

Par ailleurs, l’acquéreur étant le principal bénéficiaire de cette obligation, il pourra (tenter de) demander au vendeur de déclarer qu’il a bien rempli son devoir d’information par une clause du contrat telle que la clause de « full disclosure ». Elle consiste pour le vendeur, à indiquer que ses déclarations et garanties ne comportent aucune inexactitude ou omission significative qui empêcherait l’acquéreur de réaliser l’opération. Malgré cela, ce type de clause reste difficilement imposable au vendeur.

Le vendeur, quant à lui, a tout intérêt à s’assurer qu’il a rempli ce devoir en exigeant de l’acquéreur qu’il déclare que toutes les informations déterminantes lui ont été communiquées, et qu’il est conscient des risques liés à celles-ci et à l’opération plus globalement.

Par conséquent, l’article 1112-1 du Code civil nouveau est amené à devenir un réel levier de négociation dans la rédaction des contrats de cessions de droits sociaux.

Ce dispositif devrait également jouer un rôle dans le contentieux post acquisition car il permet à l’acquéreur de ne pas voir la responsabilité du vendeur limitée par des conditions de seuils, de franchise ou de plafonnement qui sont généralement prévues dans les garanties d’actif et de passif. De plus, l’usage de ces garanties conventionnelles se voit fragilisé. En effet, l’article 1112-1 étant d’ordre public, le vendeur ne pourra plus limiter son obligation par une disposition de la garantie.

Désormais, en cas de conflit, demeure une incertitude sur la pratique des traditionnelles garanties conventionnelles. Toutefois, l’acquéreur pourra faire jouer la responsabilité délictuelle de l’article 1112-1 ou encore soulever une nullité pour dol, dont la preuve pourrait être facilitée par cette nouvelle obligation.

Le vendeur diligent, quant à lui, tirera également profit de cette disposition en actant en amont la bonne exécution de son devoir d’information. PB

Ensemble contractuel : La Cour de cassation confirme que la résiliation d’un contrat entraine la caducité de l’autre

Il est de jurisprudence constante « que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ». Ce principe a été posé par la Chambre Mixte de la Cour de cassation par deux arrêts fondamentaux  du 17 mai  2013 (Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n°11-22-768, n° 11-22.927) et repris immédiatement par  la Chambre commerciale (Cass. com., 9 juill. 2013, n° 11-19).

Ainsi, lorsque l’une des conventions de l’ensemble contractuel est un contrat de location financière, l’interdépendance est automatique et ne peut être remise en cause par une disposition contractuelle contraire. L’interdépendance des contrats est dite objective.

Cependant, deux interrogations persistaient. La première étant de savoir si l’objectivité de l’interdépendance s’étend à d’autres figures contractuelles similaires comme le crédit-bail. La seconde portant sur l’effet de la résiliation d’un contrat à l’égard de l’ensemble. La Chambre commerciale apporte des solutions dans une série d’arrêts récents.

Sur le caractère objectif de l’interdépendance, la Chambre commerciale a, dans un arrêt du 12 juillet 2017 (n° 15-23.552), appliqué ce principe à un contrat de location simple et non de location financière. Cependant, l’interdépendance paraissant en l’espèce évidente, les contrats portant respectivement sur la location de matériel et la surveillance électronique, il ne saurait être déduit de cet arrêt une extension de l’interdépendance objective à tous les types d’ensembles contractuels.

Concernant l’effet de la résiliation, trois arrêts de la Chambre commerciale viennent entériner la caducité en affirmant d’abord « qu’en statuant ainsi, en refusant, après avoir relevé leur interdépendance, de constater la caducité du contrat de location financière en conséquence de la résiliation du contrat de prestation de services, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. com., 18 mai 2017, n° 15-20.458); puis que « lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraine la caducité, par voie de conséquence, des autres » (Cass. com., 12 juillet 2017, n°15-20.458 , n°15-27.703).

La réforme du droit des contrats avait, sur ce point, déjà consacré la caducité par le nouvel article 1186 du Code civil. Toutefois, en l’espèce, les contrats en cause étant soumis à l’ancien droit, muet à ce sujet, il est intéressant de constater que la Cour a interprété naturellement les anciennes dispositions à l’aune des nouvelles.

Néanmoins, dans les deux arrêts de juillet, la Cour va plus loin en envisageant la mise en cause de la responsabilité du cocontractant dont la résiliation est à l’origine de la caducité,  ajoutant « sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute ». Ainsi lorsque l’une des parties résilie un contrat, celui dont il est dépendant devient caduc mais son cocontractant ayant subi un préjudice, peut en demander réparation.

En revanche, cette réparation n’est pas automatique puisque la Cour précise que le cocontractant à l’origine de l’anéantissement du contrat doit avoir commis une faute. De ce fait, si le contrat contient une clause permettant la résiliation unilatérale, le préjudice subi ne pourra être réparé.

L’énonciation de ce nouvel élément est surprenante car le droit des contrats, tout juste réformé et précisant pourtant le régime de la caducité à l’article 1187 Nouveau, ne prévoit pas la possibilité d’une réparation.PB

Le juge judiciaire, troisième partie au contrat ?

Notre dernier article en date sur la réforme du droit des contrats de 2016, publié dans la Gazette du Palais du 9 mai 2017 – n° 18 – page 18.

“La réforme du droit des obligations a consacré la théorie de l’imprévision jusqu’alors rejetée. Désormais, le juge doit donc rétablir l’équilibre d’un contrat, dont les conditions d’exécution ont été gravement modifiées, au détriment de l’une des parties, par la survenance d’événements imprévisibles lors de la conclusion du contrat. Cette révision judiciaire n’est pas sans conséquences sur la vie pratique des affaires.”

Vous pouvez le lire en ligne sur notre page Linkedin ou sur le site de la Gazette du Palais !

Emplacement de la signature sur un acte de caution : ouvrez l’œil, et le bon !

L’article L. 341-2 du code de la consommation dispose que la caution personne physique doit faire précéder sa signature la mention comme suit : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

La jurisprudence s’était montrée très rigoureuse sur l’exigence de l’emplacement de la signature de la caution sur l’acte. En effet, se porter caution est un acte grave, puisque c’est prendre l’engagement de payer à la place du débiteur principal défaillant.

Il a été jugé à plusieurs reprises que la signature doit être nécessairement apposée en dessous de la mention manuscrite précitée, sous peine que le cautionnement soit déclaré nul. Il en a été jugé ainsi par la chambre de commerce de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 septembre 2013, selon lequel la caution qui appose sa signature au-dessus de la mention manuscrite obligatoire sans la réitérer en dessous de celle-ci, rend nul l’acte de cautionnement. La signature caractérise en effet la conscience que la caution a de la portée de son engagement.

Les juges du Quai de l’Horloge ont été de nouveau saisis de la question en septembre 2016. La question était de savoir si la mention, immédiatement suivie du paraphe, placée en dessous de la signature de la caution rendait nul l’acte de cautionnement.

Dans un arrêt en date du 22 septembre 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation fait preuve de souplesse en considérant l’acte valide. En effet, le fait que la mention manuscrite soit immédiatement suivie du paraphe n’affecte « ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence, la validité de cette mention ».

La notion de proximité est donc fondamentale. C’est d’ailleurs ce qui avait amené la Cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt daté du 22 mai 2012, à juger nul un cautionnement comportant uniquement les initiales apposées en bas de pages (et non immédiatement après la mention manuscrite, comme dans l’arrêt de 2016 précité).